Comment renoncer à une succession - article tiré de la revue INTERETS PRIVES décembre 2014 n°726 - Eric HOUSER et Sébastien GINON
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ARTICLE TIRE DE
INTÉRÊTS PRIVÉS DÉCEMBRE 2014 - N° 726
LE DROIT EN ACTES
ÉRIC HOUSER
Comment
Renoncer à une succession ?
Pourquoi ?
On renonce à un héritage pour en faire bénéficier ses enfants à sa place ou pour échapper aux dettes.
Le choix de renoncer à une succession peut être guidé par deux motivations. L’une d’elles est positive : il s’agit de permettre à ses propres enfants, par « représentation », d’hériter à sa place. Cette renonciation-saut de génération n’est possible que depuis le 1er janvier 2007, et pour les successions ouvertes à partir de cette date. Auparavant, la part d’héritage du renonçant n’était pas transmise à ses propres descendants, mais partagée entre les autres héritiers. L’autre motivation est négative : elle s’exprime lorsque la succession est « criblée » de dettes. La renonciation, cette « option anormale », permet alors à l’héritier renonçant de se protéger lui et sa propre famille, contre le risque d’avoir à assumer toutes les dettes du défunt. Dans les deux cas, c’est un acte important, un acte de disposition plus grave que l’acceptation. Pour cette raison, il faut disposer de la capacité juridique pour renoncer.
Quand faut-il agir ?
En cas de dettes de la succession, il faut renoncer sans trop attendre. Sinon, au plus tard, dans un délai de quatre mois.
Renoncer à la succession doit se faire sans trop tarder, une fois que l’on en a pris la décision. En principe, un héritier peut opter dès l’ouverture de la succession, c’est-à-dire dès le décès de la personne dont il hérite. Sinon, il dispose d’un délai minimal de 4 mois : on ne peut pas le contraindre à prendre parti avant l’expiration de ce délai. Mais dès lors qu’il a les éléments en main, il vaut mieux ne pas attendre, notamment pour ne pas risquer d’être piégé par l’acceptation « tacite ». En effet, un héritier qui accomplit certains actes peut être considéré comme acceptant (tacitement), quelle que soit son intention véritable : par exemple, s’il débarrasse les meubles et les vend, ou s’il récupère une somme d’argent sur un compte bancaire du défunt… Par ailleurs, il existe une solution intermédiaire : ni accepter purement et simplement, ni renoncer, mais accepter « à concurrence de l’actif net ». Cela permet de limiter l’obligation aux dettes à la valeur des biens recueillis. Mais c’est une option très rarement choisie en pratique.
Comment procéder ?
Une déclaration spécifique doit être remise au tribunal de grande instance.
À la différence de l’acceptation, la renonciation ne peut pas être tacite. Elle ne se présume pas et il faut toujours accomplir un acte spécifique. Il suffit de faire une déclaration expresse, à déposer ou même seulement à adresser au greffe du tribunal de grande instance du lieu d’ouverture de la succession. Cette déclaration doit contenir les nom, prénoms, profession et domicile du renonçant, ainsi que « la qualité en vertu de laquelle il est appelé à la succession » (article 1339 du code de procédure civile). Le greffier l’inscrit dans un registre tenu à cet effet et en délivre (ou adresse) récépissé au déclarant. Faute de démarche au tribunal, la renonciation n’aurait aucune valeur vis-à-vis des tiers, notamment les créanciers du défunt. Malgré un formalisme réduit et sans aucune solennité, la renonciation à une succession est la plupart du temps précédée par des conseils du notaire, pour bien en mesurer les conséquences.
Quel est l’effet de la renonciation ?
Le renonçant ne recueille pas d’actif de la succession, et ne supporte pas les dettes du défunt.
La renonciation ne peut pas être « à la carte » ! En termes savants, on dit que l’option est indivisible. Autrement dit, il n’est pas possible de renoncer partiellement à une succession, mais seulement en bloc. L’héritier renonçant est censé n’avoir jamais été héritier (article 805 du code civil). Il ne recueille donc aucun élément d’actif et ne supporte aucune des dettes du défunt. Le tout (actif et dettes) est transmis à ses représentants, c’est-à-dire ses propres enfants, ou à défaut à ses cohéritiers (qui pourront à leur tour renoncer, en cas de dettes). Il existe aussi des conséquences techniques à la renonciation, notamment sur le rapport des donations : le renonçant n’est pas tenu au rapport et peut donc conserver la libéralité qu’il a reçue antérieurement, dans la limite de la quotité disponible (qui varie selon le nombre d’enfants du défunt). Enfin, bien qu’étranger à la succession, l’héritier renonçant conserve certains droits (il peut, par exemple, conserver les souvenirs et papiers de famille) et certaines obligations (comme payer une part des frais funéraires, si l’actif successoral n’est pas suffisant pour y faire face).
Combien ça coûte ?
Aucuns frais ! La renonciation n’est pas un acte notarié mais un simple formulaire administratif.
Les seuls frais à prévoir sont liés au déplacement jusqu’au greffe du tribunal (TGI), le cas échéant, ou à l’affranchissement de l’envoi postal de la déclaration. La renonciation n’étant pas un acte authentique, elle n’entraîne pas de frais de notaire en tant que tel. Toutefois, si de longues démarches ont été nécessaires pour préparer le partage, et qu’au bout du compte un héritier
Déclare finalement renoncer alors que tout est prêt à être signé chez le notaire, il n’est pas exclu que des honoraires lui soient comptés.
LE DROIT EN ACTES
L’avis de l’expert Sébastien Ginon, Notaire à Lyon (69)
La renonciation, quand elle est utilisée pour laisser la place à ses enfants, est un véritable outil de gestion de patrimoine, et l’on s’en sert dans cet esprit. Elle est utile aussi, bien sûr, dans les cas de succession déficitaire (dettes supérieures à l’actif) mais, en pratique, il n’y en a pas tellement ! En général les prêts immobiliers, qui sont les dettes les plus fréquentes, sont assurés contre le risque décès, et ce sont donc les compagnies d’assurances qui prennent le relai. Les principaux cas de renonciation que nous rencontrons concernent les personnes qui ont bénéficié de leur vivant de l’aide sociale récupérable. D’ailleurs, l’un de nos premiers réflexes au moment de régler une succession, c’est d’interroger les services sociaux pour savoir si cette dette existe. Attention, quand on renonce pour cause de dettes, il ne faut pas oublier de faire renoncer ses propres enfants ! Sinon, par le jeu de la représentation, ce sont eux qui héritent du déficit. Le notaire qui oublierait de le signaler commettrait une faute. Par ailleurs, lorsque les enfants sont mineurs, il faut passer par le juge des tutelles. Comme quoi la renonciation, ce n’est pas tout à fait anodin !
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